EXPENSIVE


SYLVIE FANCHON

06.09.25 - 31.10.25

Dossier de presse

Expensive, titre d’une acrylique sur papier de Sylvie Fanchon, donne le ton de la première exposition posthume de l’artiste à la galerie Maubert, Paris [1]. Le lettrage, qui s’installe sur la totalité de la base de la surface peinte, est dessiné au pochoir dans la réserve d’un papier légèrement coloré. Le mot est entaché par les traces orange de l’aplat monochrome. On imagine le plaisir de l’artiste à répandre la peinture jusque dans le mot, la faire baver dans son geste de retrait du pochoir. On comprend le refus d’une perfection qui serait incarnée par une exécution lisse et léchée, tracée au cordeau. Le caractère assumé du geste de peindre, ses éventuelles traces, bavures et écarts est caractéristique de la conduite de l’artiste Sylvie Fanchon, son refus d’identifier sa peinture à un illusionnisme. 


Expensive reflète l’humour mordant de Sylvie Fanchon, sur la subjectivité et la muabilité de la valeur de l’art, et sur la figure de l’artiste traitée avec une (auto)dérision pour tenter d’échapper à toute forme de sacralisation. Elle tenait Marcel Broodthaers pour l’un de ses compagnons d’art favoris. Ses œuvres convoquent volontiers la vision de l’art de Broodthaers comme “un travail apolitique, inutile et peu moral” — une position (toujours) provocatrice, à rebours de l’époque qui confond volontiers art, politique et morale.  

L’exposition réunit des œuvres de Sylvie Fanchon de différentes périodes, depuis les rares peintures d’architecture-outils des années 90 jusqu’aux années 2000 à 2020. Elle suit le fil rouge de l’organisation visuelle du « tableau comme surface de réflexion » et trouve son rythme spécifique dans des séquences organisées par des diptyques en décrochement. Elle prend principalement appui sur les Pêle-mêle, organisation spatiale des tableaux propre aux accrochages de salon, les Monochromes décoratifs, et les Toons, les personnages de cartoons dont la simple silhouette, à l’intersection de la figure humaine et de l’animal, renvoie autant à la satire, des ‘‘Caractères’’ de La Bruyère notamment qu’au principe de distance spécifique aux fables, d’Esope et de La Fontaine par exemple. De l’œuvre la plus ancienne, Architecture (1994), à la plus récente The Purpose of Art (2022), toutes répondent aux énoncés du travail de Sylvie Fanchon : recherche de la planéité, utilisation de deux couleurs,  simplification des formes. « Je ne travaille pas à un mimétisme visuel mais à une organisation visuelle à l’aide d’objets réels empruntés, simplifiés, et réinjectés sur la surface du tableau. Mon objectif : dégraisser les formes ». La pratique du dessin, commencée très tardivement en 2022, relaie parfaitement ce processus de dégraissage des formes au moyen d’outils plus légers et plus maniables que sont la feuille et le crayon. 

Cette exposition continue d’ancrer l’œuvre de Sylvie Fanchon dans une lignée d’une peinture conceptuelle plutôt qu’abstraite où sa peinture fut parfois classée, par l’assimilation de la rigueur de la composition formelle de ses tableaux à de l’abstraction. 


Dans l’exposition Expensive, un dialogue est instruit en continu avec Marcel Broodthaers, notamment par le travail commun aux deux artistes sur la signature et les initiales, en particulier par la présentation du double diaporama de Broodthaers ABC – ABC Image, 1974 ou de son Atlas, 1975 qui semble fusionner taches, cartes et surface de projection. La partition dessinée de la stupéfiante performance vocale de la cantatrice Cathy Berberian Stripsody, 1966, partage avec Sylvie Fanchon le truchement des toons pour le traitement de la représentation avec distance et drôlerie. Le film de cette performance-culte constitue la bande-son de l’exposition. 



Kathy Alliou

Curatrice, directrice du Département des Oeuvres des Beaux-Arts de Paris





[1] Les précédentes expositions personnelles de Sylvie Fanchon à la Galerie Maubert datent de 2021 au sein de la galerie à Paris, 2022 à Art-0-Rama Marseille, ou 2022, à Bruxelles pour Arts Brussels.