Lucien Hervé, bâtisseur d'ombres


LUCIEN HERVÉ, BÂTISSEUR D'OMBRES

LUCIEN HERVÉ

  04.11.2017 - 23.12.2017
Dossier de presse
En parallèle de la rétrospective Lucien Hervé au Jeu de Paume-Château de Tours du 18 novembre 2017 au 27 mai 2018, la Galerie Maubert propose une exposition personnelle rassemblant clichés architecturaux et humanistes : Lucien Hervé, bâtisseur d’ombres. La notion de bâtisseur est centrale dans l’œuvre de Lucien Hervé, lui qui a photographié la plupart des grands chantiers modernistes (Chandigarh, Brasilia…). C’est l’ombre et ses formes géometriques qui construisent la photographie de Lucien Hervé et deviennent ses outils privilégiés. Par un procédé de mise en abime, il bâtit, par l’ombre, une nouvelle architecture dans l’architecture, une nouvelle forme dans la forme.

« Vous avez l’âme d’un architecte », écrit Le Corbusier à Lucien Hervé (1910-2007) après avoir reçu ses photographies de l’Unité d’habitation de Marseille. Nous sommes en 1949 : Lucien Hervé devient le photographe privilégié de « Corbu » et archivera son œuvre complète. Il travaillera également avec Alvar Aalto, Marcel Breuer, Oscar Niemeyer, etc. et près de soixante-dix ans plus tard c’est bien aux côtés des bâtisseurs du 20ème siècle que son nom figure dans l’histoire de l’art.

Les clichés de Lucien Hervé portent dans leur composition les principes du constructivisme russe, qu’il connaissait déjà à Vienne en 1928. Les lignes sont minimales, le cadrage rigoureux. Le noir et blanc structure l’image. La direction visuelle est celle du Bauhaus – bâtir, selon son sens premier. Par-delà les principes de ce courant, les silhouettes humaines, notamment celles des ouvriers au travail, viennent ponctuer les images. Dans cette exposition, nous avons souhaité proposer un pan de photographies plus personnel dans le parcours de Lucien Hervé. Comme chez le Corbusier, l’échelle est celle de l’homme, bâtisseur puis habitant.

Pourtant, là où Le Corbusier et l’architecture moderniste travaillent dans une recherche de la lumière, priorisant la clarté et ses effets, Lucien Hervé, lui, s’accommode très bien de l’ombre?: il compose avec elle, non seulement comme le pendant (ou négatif) de la lumière, mais comme un élément positif de construction visuelle. L’ombre découpe l’image (Secréteriat à Chandigarh, 1955), crée un cadre (Couvent Sainte-Marie de la Tourette, Éveux, 1959), creuse des volumes (Haute Cour à Chandigarh, 1955)… Elle est l’outil avec lequel Hervé compose – quitte à déconstruire le réel pour en faire surgir de nouvelles formes. C’est en ombre qu’il se présente en autoportrait (Autoportrait, circa 1950).

Photographier le bâtiment – depuis la prise de vue, la composition de l’image, le tirage et sa découpe – est pour Lucien Hervé une manière de construire l’espace. En 1964, il présente ses photos sur de spectaculaires plaques d’aluminium, provenant de l’usine de Nancy de Jean Prouvé, pour la scénographie d’une exposition à la BNF. La photographie, comme l’architecture, est un exercice de bâtisseur. Lorsque Lucien Hervé photographie plusieurs fois le même sujet, il peut composer et structurer différemment l’espace : rendre saisissable le lieu et les personnages sur un premier cliché, altérer la vision en déconstruisant le réel par l’ombre qui surgit sur un second cliché. Une réalité autre s’impose alors. Jusqu’à la photographie suivante.

Judith Souriau
critique d’art et commissaire d’exposition
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